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Compte-rendu de lecture #2

L'adulte surdoué.e à la conquête du bonheur


L'adulte surdoué à la conquête du bonheur. Rompre avec la souffrance, Monique de Kermadec, Editions Albin Michel, 2016.


"Nier ce que nous sommes a des conséquences désastreuses sur l'équilibre psychologique d'abord, sur la santé ensuite, à cause du stress que ce déni génère. Nous compromettons notre équilibre psychique et partant, notre qualité de vie", p. 84.


Contexte de lecture

Ce second ouvrage est arrivé entre mes mains assez peu de temps après le premier de livre Monique de Kermadec que j'ai lu. C'est une lecture que j'ai effectuée en mode "persévérance". Sa publication est un peu plus ancienne (2016) et je me le suis procuré environ quelques semaines après avoir dévoré puis relu (plus calmement) La femme surdouée. Lors de ma lecture initiale (très et sûrement trop) rapide de ce tout premier ouvrage, j'ai été en total abasourdissement (je ne sais pas si ça se dit mais c'était ça) vis-à-vis de ce que je lisais dans ces pages. Bref, j'étais littéralement cho-quée ! D'ailleurs, je voudrais signaler un autre fait contextuel personnel lié à cette toute première lecture qui m'a également énormément remuée. Un soir de toute fin septembre ou de début octobre 2020 je ne sais plus (quand c'était encore possible de "sortir" avant le re-confinement), je me suis rendue rue Montorgueil à Paris pour rencontrer une amie et boire un verre/manger une pizza avec elle. En attendant qu'elle arrive (avec environ au moins une bonne heure de retard sur l'horaire fixé et n'étant tout de même pas partie du lieu prévu car la personne est largement coutumière du fait), je me suis mise à boire quelques bières et à relire La femme surdouée...Bouquin que j'avais ce soir-là sur moi dans mon sac en même temps que le petit Que sais-je de Gabriel Wahl sur le sujet, un ouvrage de sciences sociales de ma discipline et un roman (Ba oui on n'est jamais à l'abri d'une panne de RER, donc si on reste bloqué longtemps, on ne sait jamais, 4 livres c'est le minimum de la survie de base, non ? C'est drôle, jusqu'ici je ne m'en étais jamais rendue compte tel quel, mais j'ai toujours eu en cours de lecture entre 4 et 12 bouquins - au moins commencés - en même temps et ce, de façon régulière à peu près tout le temps depuis mes 15 ans (hors périodes de dépression très grave). Je sais, je sais, je digresse. Alors, ce soir-là quand mon amie arrive enfin, je suis déjà à peu près bourrée, des restaurateurs en colère et d'humeur festive passent dans la rue Montorgueil en tapant sur des casseroles et en criant "Libérez le bistrot !" s'exprimant ainsi contre la fermeture des bars et contre les restrictions liées au Covid imposées aux restaurants. Au passage du cortège, je me lève et j'applaudis évidemment gaiement. Et là, mon amie (laquelle, soit dit en passant, est celle qui m'a sauvé la vie en m'alertant sérieusement au sujet du PN avec lequel j'étais) débarque. Elle vient donc d'arriver (très en retard), se répand en excuses et jette un œil à mes bouquins trainant sur la table où je m'étais installée, me sort quelque chose comme : "Ah tu lis ça, bon c'est bien que tu en sois déjà là..."

Pardon ?!?! Déjà là où ? Quand ? Quoi ? Pourquoi ? Comment ? Déjà là : où ça ?

Puis, quelque peu après dans la discussion que nous avons (au sujet des PN, de ma lecture boulimique sur le sujet puis de mes découvertes toutes récentes sur les "surdoué.es"), j'entends un son provenant de sa bouche qui dit : "moi je pensais que tu le savais déjà, pour moi dans ton cas, c'était évident"... Gloups...Pardon ?!?!

Et là dans ma tête il se passe un sacré "WHAT THE FUCK non mais oh sérieusement ! Mais ce n'est pas possible de chez pas possible...Comment ça "tu le savais"??????" À ce moment précis, je suis tellement consternée que je crois que je me frappe littéralement la tête sur la table et je finis tous les verres...Je suis dans un état limite entre l'ébriété, la consternation, la sidération et la totale dépression (toujours en cours à ce moment-là car en plein trauma post-sortie de PN). D'ailleurs, cette scène d'ami.es qui me sortiront des "oh toi c'est sûr que t'es HP/surdouée, je le savais..." se reproduira par la suite de nombreuses fois avec d'autres personnes. Mais ce soir-là c'était vraiment tout à fait inaugural (et même iconique) comme moment. Phase là encore "classique", il paraît...mais ça, je l'apprendrai plus tard...

Tellement choquée par ces toutes "premières révélations", j'ai alors entamé une phase étrange : une valse folle entre doute-déni-doute-déni-colère-redéni-redoute-redéni-redoute-recolère. Non mais c'est pas possible, je ne peux pas être surdouée, je suis gravement trop une merde, j'ai rien fait de ma vie et je n'ai même pas encore fini ma thèse (en 7ans de doctorat sans financement dans une précarité extrême et faisant sans arrêt du bénévolat académique) ! Et pourtant, la curiosité et son intensité étant devenues trop grande, je ne pouvais pas m'arrêter là, j'ai donc continué à explorer le sujet. Notamment beaucoup via Youtube, média par lequel, en phase d'évasion de l'emprise du PN, en phase de sortie de PN et en phase en post-trauma, j'avais commencé par avoir l'oreille de plus en plus démangée par la puce...(J'y reviendrai dans d'autres posts mais certaines de ces vidéos m'ont clairement sauvé la vie !)


Pourquoi ce livre est intéressant

Après ce moment inaugural, je reste encore un certain temps en lutte contre cette idée de surdouance mais je persévère tout de même dans mes réflexions et explorations...Il faut que j'en sache davantage et la puce dans mon oreille se fait se plus en plus chatouilleuse. J'achète donc ce second bouquin de Monique de Kermadec, L'adulte surdoué à la conquête du bonheur.

Je commence à le lire tranquillement et j'opère cette lecture-là en deux fois (je lâche un peu au milieu puis je le reprends et le termine). Au début de cette lecture, alors que je vais encore assez mal psychologiquement (les séquelles post-PN sont encore vivaces et dans ma tête "ma vie est foutue" de toute façon), je me dis "bon allez ma cocotte reprend ce livre, je sais que c'est fou tout ça, ce que t'a dit ta pote et tout....oui ça paraît absurde et aberrant, et même temps tu sens bien que ça sonne tellement vrai..." (oui je me parle souvent à moi-même et non je ne suis pas bipolaire malgré ce qu'ont pu dire de moi par le passé ces crétins de psychiatres). Ce que je lis dans ce livre (toujours très clairement expliqué par l'autrice) correspond tellement à mon type de souffrances, et même exactement à mes souffrances...C'est sûr que ça paraît dingue, mais c'est ça, c'est tellement ça, c'est vraiment ça...Et là, c'est un tout autre rapport au sujet qui s'ouvre en moi : la résilience, la vraie (pas celle que Macron utilise dans ses discours de "lutte contre le Covid")

Je commence un tout petit chouïa à mieux comprendre ce phénomène si étrange, et à mieux me comprendre. Tous ces échecs, toutes ces souffrances, le faux self, l'interdiction formelle que je me suis construite (telle une forteresse défensive) de m'aimer vraiment, de m'aider à me réaliser et de m'accepter comme je suis.


Là où croît le danger, croît aussi ce qui sauve

Et puis il y a cette idée brillante développée par Monique de Kermadec : la fétichisation de la souffrance de la part des surdoué.es. L'autrice explique que cette souffrance devient un fétiche parce qu'on la connaît, on la pratique depuis toujours, elle est un refuge si confortable, et limite douillet à force de s'y empêtrer... Et pourtant, même si cela apparaît très vite au surdoué.e comme une mise en danger (notamment sortir du faux self devenu habituel), il est possible d'en sortir. Elle raconte qu'il est possible de s'en sortir tout court et qu'en "défétichisant sa souffrance" il est même possible tout simplement d'aller mieux (sans encore prétendre tout de suite à l'harmonie totale bien sûr). Mais comment ? Il reste à tâtonner, à trouver le bon chemin. Mais déjà se dire qu'"être surdouée en fait ce n'est pas une pathologie et c'est même carrément ok", qu'il faut "simplement cesser de fétichiser sa souffrance" (même si ce n'est pas facile). Et pour cela, d'abord, il faut se rendre compte qu'effectivement on le fait, que c'est précisément cela qu'on fait : se faire du mal, s'abîmer, sans cesse, dans un éternel recommencement (et ce, parfois, jusqu'au pire, jusqu'à l'emprise du PN qui valide cette souffrance, prétend nous en sauver aussi, mais la retourne définitivement contre soi, s'en sert pour lui - pour nous culpabiliser à mort, nous mettre à genoux - en jouit pour abuser de nous et nous user psychologiquement jusqu'à la corde afin de nous rendre sans défense, complètement brisée). Sauf que, pour une fois, toutes ces terreurs et toutes horreurs que l'on a pu vivre (d'où qu'elles viennent et aussi abominables soient elles), cette fois quelqu'un nous dit (et il faut l'entendre pleinement) que ce n'est PAS NOTRE FAUTE, aucunement et à aucun instant, rien de tout cela n'est de notre faute. Cela n'a jamais été de notre faute, absolument jamais. Entendre ça, c'est complètement étrange et, au départ, pas forcément très rassurant. Parce qu'en plus de la fétichiser sa souffrance, se culpabiliser de souffrir, ça on sait très bien faire. L'ouverture à la déculpabilisation totale est très déstabilisante. Avec ce livre, j'ai commencé à entrevoir que c'était possible. Ce livre a été pour moi une véritable clairière, un espace de ressources qui m'a permis de me dire "Waouw, ok c'est bel et bien ça que je me fais : du mal" et "je peux arrêter, je peux choisir d'arrêter ça". Il va m'être possible de trouver un moyen : je ne sais pas encore lequel, mais c'est possible, je peux le trouver !

Cette lecture (avec bien d'autres ressources) m'a permis de rendre la souffrance associée à ma surdouance "commensurable" déjà. Et c'est un véritable premier grand pas. Les effets de ces découvertes de l'existence d'une véritable résilience possible (et à trouver en soi) n'ont pas de prix.


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